LA FÊTE À LA MAISON. Reco culturelle bricolée n°7 (16 juin 2020)
Je suis née en 1980, j’ai donc grandi avec la télé et heureusement, parce qu'il ne se passait pas grand chose de mémorable en rase campagne. J’ai plein de souvenirs merveilleux avec Punky, Zac, Jodie, Alison, Pacey et Ross pour ne citer que 6 de mes amis virtuels. Et je ne vais pas me mentir, je dois à la télé de ne pas être morte de solitude.
Ma plus ancienne émotion liée à la télé remonte à 1986. Je regardais Gym Tonic, je bougeais en rythme et tout (touyoutou), et à un moment, j’ai été tétanisée, quand j’ai réalisé que je n’avais aucun moyen de m’assurer que Véronique et Davina ne me voyaient pas. Alors dans le doute, j’ai arrêté de me trémousser devant l'écran. Finie la disco.
Alors qu’est-ce qui s’est passé entre 1986 et 2020, pour que je prenne aujourd’hui un malin plaisir à danser devant - ou plutôt AVEC - les centaines de gens connectés à l'Appart chez moi ? Bon, il faut dire que je préfère de loin Axel et Barbara à Véronique et Davina.
Celles et ceux qui ne connaissent pas la géniale DJ Barbara Butch se diront : ok, mais qui sont ces gens ?
“Qui sont ces gens ?” c’est LA question que je me suis posée la première fois que je suis entrée dans l’Appart chez moi et que j'ai vu toutes ces personnes danser (ou pas), à grand renfort de coucous à la caméra. Il y avait des tout-seuls, des à-2, des gosses, des bandes de potes, des chats, des papis/mamies, des dédicaces à l’envers et des poils sous les bras… En moins d’1 mn, j’ai compris je m'étais invitée à la plus safe des fêtes, et que, même si je ne m'étais jamais sentie à l’aise en boîte, j’avais ici toute ma place. Et quand est arrivé mon tour, j’ai oublié 35 ans de complexes de ne pas être assez cool et j’ai retrouvé le plaisir de me trémousser devant mon écran.
Alors merci infiniment Barbara, Axel et Mathieu, grâce à vous j’ai pu transformer mon stress de parent épuisée en grand n’importe quoi, à base de chorés improbables et de air-musique en duo. Et surtout, grâce à votre idée généreuse, je me suis sentie moins seule.
Samedi prochain, c’est la dernière 🤗/😭. Évidemment qu’on y sera.
AVANT JUSQU'À LA GARDE. Reco culturelle bricolée n°6 (7 mai 2020)
En 2013, un producteur m’a appelée pour me faire travailler sur l’affiche d’un court-métrage. Je me souviens encore comme j'étais excitée quand j’ai raccroché: faire une affiche de film, c’était un de mes rêves de gosse (bon, avec tourner dans un film quand même aussi). J'étais loin de me douter qu'Avant que de tout perdre remporterait la plupart des prix existant sur terre, qu’il servirait de support pour de nombreuses rencontres autour des violences conjugales et qu’il permettrait à son auteur, Xavier Legrand, de réaliser ensuite un long métrage qui ferait date : Jusqu'à la garde.
Le court et le long mettent en scène les mêmes personnages et on peut voir ce court comme le préquel du long. “Avant que de tout perdre, il vaut mieux tout quitter”, écrivait le poète Roger Allard, c’est donc le moment où Myriam prend la fuite avec ses deux enfants que montre le film.
En 2013, plus encore qu’aujourd’hui, on se dit que "les femmes battues" sont faibles et doivent y trouver leur compte, “sinon elles partiraient”, parce que “c’est quand même pas si compliqué de se casser”. Xavier Legrand nous démontre que c’est tout le contraire. Myriam est forte et déterminée. Elle est reconnue dans son travail. Elle sait prendre des décisions. Elle n’est ni plus ni moins courageuse que les autres victimes, elle est sous l’emprise d’un homme violent et le problème est du côté de cet homme, pas du sien.
Et pourtant, c’est à elle de payer. Ce col rose et ce badge, sur l’affiche, c’est l’uniforme de Myriam. Elle travaille dans un supermarché. Pour ne pas TOUT PERDRE, elle va devoir se départir de toutes ses attaches, laisser derrière elle son travail et tout ce que cela implique. Pendant 30mn, on est derrière Myriam et ses enfants et on ne respire presque plus. On espère qu’elle va y arriver. Mais on voudrait tellement qu’elle puisse TOUT GARDER.
Le film est un cri contre l’injustice faite aux femmes et je suis fière d’avoir contribué à le diffuser.
Un court métrage de 30 mn, dont la bande-annonce est visible ici
QU’EST-CE QUE TU DEVIENS ? / Reco culturelle bricolée n°5 
Ne vous y trompez pas : ça n’est pas une mère et sa fille, c’est moi, à 39 et 14 ans, à savoir les âges d'Ovidie et de sa fille, autrice et héroïnes de ce documentaire. Le jour de la photo de gauche, j’imagine que ma sœur avait dû insister pour que je détache mes cheveux et que je les mette “sur le côté”, j’avais déjà fait ça 1 ou 2 fois avant et apparemment, ça me donnait de l’allure.
Mon enfant, lui, n’a que 4 ans. Je me souviens de ma réaction quand on m'a annoncé qu’on allait avoir un garçon : j’ai été déçue. C’est idiot, mais je ne m'étais pas projetée dans une descendance masculine. Et puis j’ai réalisé que je n’aurais jamais à aider cet enfant à “devenir une femme”, et j’ai été soulagée. C’est aux vêtements que j’ai pensé en 1er. Comment j’aurais pu la tenir à l'écart des stéréotypes de genre, tout en m’efforçant de lui éviter de vivre ce que j’avais vécu ? Pas assez féminine… Allez savoir si je ne l’aurais pas habillée exclusivement en rose ma fille.
La découverte du sexe de son enfant est un des nombreux moments abordés dans ce fantastique documentaire en 7 épisodes, mais il explore surtout l’entrée dans l’adolescence, ce moment où chaque fille devient une femme dans l’espace public, à la merci de regards masculins insistants, de gestes déplacés voire d’agressions. Alors, comment on élève une fille ? Aujourd’hui ? A fortiori quand on est féministe ? Ovidie nous donne à entendre les discussions qu’elle a avec sa fille, avec des ami.e.s aussi parents et avec sa propre mère. Au final, j’ai l’impression que le doc ouvre une faille spatio-temporelle pour toutes les auditrices, en leur permettant de se tenir à côté d’elles-mêmes à deux âges de la vie et d’entamer la conversation. Avec ces 2 photos, je m’amuse à comparer l’adolescente empêchée que je fus, à l’adulte décidée que je suis en train de devenir, je n’avais jamais croisé ainsi mon regard… alors merci Ovidie.
Un documentaire en 7 épisodes à retrouver sur votre plate-forme de podcasts habituelle ou ici.
♫HOMME DES ANNÉES 2020♫ / Reco culturelle bricolée n°4
Le “mansplaining”, c’est quand un homme explique à une femme ce qu’elle sait déjà. Le podcast Mansplaining, c’est quand un homme explique à d’autres hommes ce que les femmes savent déjà : le patriarcat, ça pue ! Du coup, si vous êtes une meuf, vous risquez fort de kiffer ce podcast, mais surtout, vous aurez très envie de le faire écouter aux mecs de votre entourage ou aux meuf qui sont “pas féministes, mais…”.
Alors, il s’y prend comment @thomas_messias pour lui clouer son bec qui pue au patriarcat ? Déjà, il commence chaque épisode par nous rappeler qu’en tant que mec blanc, cisgenre et hétéro, il fait partie de la classe des dominants, et n’a, sur le papier, aucun intérêt à abandonner ses privilèges. Ensuite, il convoque : beaucoup de cinéma, pas mal de séries et d'émissions télé, un peu de chansons et un soupçon de vie privée. Chaque épisode utilise 2 à 3 références culturelles pour explorer un thème. La plupart du temps, il s’agit de déconstruire des points de vue qu’on voudrait voir disparaître, comme les chansons “♫Femmes… >…je vous aime >…des années 80 >…libérée♫” (ép. du 19/02/20). Mais il met aussi en avant des œuvres qui réussissent à renverser la vapeur à des degrés divers ; de quoi vous constituer une petite liste de films ou séries à voir. Ce cinéphile n’hésite d’ailleurs pas à revoir les films qui l’ont forgé, pour savoir s’ils doivent dégager ou pas de son salon. D’ailleurs il fait la même chose avec ses potes… autant ne pas s’encombrer de vieux trucs relous. Mi-mars, il a sorti un hors-série d’utilité publique sur “les hommes et le confinement” à mettre dans TOUTES les oreilles.
​​​​​​​Un petit mot sur la cover du podcast. Vous aurez remarqué qu'elle fait référence au “manspreading”, ou l’art masculin de prendre toute la place.
Merci @_tefen, de m’avoir fait découvrir ce chaînon manquant de l'évolution… des mentalités.
Une quarantaine d’épisodes à retrouver sur votre plate-forme de podcasts habituelle ou ici.
LA REINE DES NAZES / Reco culturelle bricolée n°3
Il y a quelques semaines, j’ai emmené mon fils à l’anniversaire costumé d’une de ses copines de petite section. Quand on est arrivés, il y avait déjà 6 princesses et 1 docteur/garçon, pour accueillir mon renard de fils. Je n’arrive plus à me rappeler si j’ai failli avoir une attaque ou un fou-rire…
Mais à quoi elles rêvent, les petites camarades de mon fils, dans leurs robes à pampilles ? Malheureusement, bien qu’étant du sexe féminin, je crains de ne pas être équipée pour les comprendre, car je n’ai jamais rêvé d’être une princesse ; et je commence seulement à arrêter d’en avoir honte.
Je pense même que ce sont ces personnages de princesses, de “demoiselles en détresse”, qui ont éveillé, très tôt en moi, la colère contre les inégalité de genre. Pourquoi est-ce que, parce que je suis une fille, je devrais m’identifier à une pauvre nunuche, et accepter de rester enfermée dans un donjon en attendant qu’un garçon, forcément plus intelligent et hardi que moi, fasse ce que je ne suis pas capable de faire moi-même ? C’était juste inconcevable, il m’était impossible de m’imaginer dans sa robe et dans sa passivité. Je ne me rêvais qu’en pantalon, parcourant le monde et faisant preuve de courage et d’inventivité pour changer les situations.
Alors quand j’ai découvert ce documentaire de la féministe @anitasarkeesian, il y a 7 ans, ça a été un grand moment. Elle y décortique le personnage de la “demoiselle en détresse” qui peuple l’imaginaire des enfants, dans la fiction et surtout dans le jeu vidéo. Ce jour là, je crois bien que j’ai commencé à mieux assumer mon étrangeté d’hier et à la transformer en convictions féministes. En tout cas, j’ai compris que ce que je ressentais enfant, c’était simplement du bon sens.
Si vous n’avez pas vu la série, ruez-vous dessus, même si vous n’avez — comme moi — aucune affinité pour le jeu vidéo. Et ne manquez pas les vidéos sur le rapport au genre de la marque Lego, c’est passionnant et révoltant.
3 épisodes de 25mn (Vostfr) visibles gratuitement sur la chaîne YouTube Feminist Frequency
MON GRIMOIRE / Reco culturelle bricolée n°2
Sorcières, la puissance invaincue des femmes - un essai de Mona Chollet, publié en 2018 chez Zone.
C’est peut être LA référence féministe du moment. Il est difficile de lâcher ce livre tant il semble essentiel. Ça commence avec un retour dans le passé, pour bien comprendre de qui on parle. Alors évidemment, on oublie très vite les méchantes sorcières des contes de fées et on découvre que celles qu’on a brûlées systématiquement dans une très sombre et longue période de l’histoire étaient en fait des médecins, des sages-femmes qui avaient des connaissances incroyables de la nature et du vivant. Le livre fait donc le pont entre le féminisme et l’écologie et je remercie Mona Chollet de m’avoir amenée à croiser si facilement les deux, même si elle n’est évidemment pas la première à le faire.
Sorcières aborde longuement la question de l’absence de maternité, quand elle est subie, mais surtout quand elle est choisie. Le livre nous montre comment une femme qui opte pour un autre destin que celui d’enfanter est encore aujourd’hui perçue comme un danger. La société patriarcale n’a pas plus d’estime pour la femme ménopausée ou la veuve, qui n’auraient plus grand chose à lui apporter.
Comme à son habitude, Mona Chollet donne des exemples très concrets et convoque des personnalités mainstream comme Anémone ou Vincent Cassel. D’ailleurs Vincent Cassel a trouvé un remède imparable à la ménopause... et ben je vous laisse lire le livre pour savoir ce que c’est !
Les Éditions Zones proposent tous leurs livres en lecture gratuite dans un format brut (Lyber). Donc, si vous ne pouvez pas attendre la réouverture de votre librairie (et je vous comprends), vous pouvez lire Sorcières ici.
UN VÉLO À SOI / Reco culturelle bricolée n°1
J’avais environ 12 ans au début des années 90 lorsque j’ai eu un VTT à Noël. Je remercie mes parents d’avoir alors respecté mon souhait le plus cher : avoir un « vélo-tout-terrain-tout-court » et pas un « VTT-de-fille ». Cette histoire de différence de cadres qui séparait l’humanité en 2, ça n’avait l’air de secouer personne à part moi. Moi, je trouvais ça profondément humiliant qu’il existe des trucs « de fille », comme si on était une sous-race pour qui il fallait faire des objets adaptés. J’en avais rien à faire de l’explication comme quoi les « vélos de filles » étaient faits pour pouvoir rouler avec des jupes, je n’en mettais jamais.
Alors, aurais-je pu imaginer à l’époque l’histoire de Wadjda ? Je crois que ça m’aurait encore plus donné envie de tout casser qu’aujourd’hui.
Wadjda - écrit et réalisé par Haifaa Al Mansour en 2012
Le pitch >> « Wadjda, 12 ans, vit avec ses parents dans la banlieue de Riyad. Un jour, sur le chemin de l’école, elle tombe en admiration devant une bicyclette verte, qu’elle rêve d’acquérir pour faire la course avec son ami Abdullah. Mais l’usage du vélo est réservé aux garçons et sa mère refuse de le lui acheter. Wadjda se met alors en tête de remporter le concours de récitation et commentaire du Coran organisé par son institutrice pour financer son projet. »(Arte.tv)
​​​​​​​Haifaa Al Mansour est la première femme a avoir pu exercer le métier de réalisatrice en Arabie Saoudite.
Si vous n’avez pas vu Wadjda, vous avez jusqu’au 29 juin 2020 pour le visionner gratuitement sur Arte.tv